dimanche 7 avril 2013

Mots étrangers


Textes écrits le 16/03/2013 à La Fonderie après la visite de l’exposition consacrée au travail.

Animatrice : Coraline Soulier

Bruxelles est une ville multiculturelle.
La langue emprunte donc des termes issus de langues étrangères.
Chaque participant donne à son voisin 3 mots étrangers à intégrer dans son texte.

Avec les mots catalans donnés par Françoise
corco : fourmi
granota : salopette
treball : travail
Ils sont là penchés, nombreux comme des corcos
appliqués, en costume ou en granota
présent ou absent à leur treball
Sont-ils fiers ou tristes de leur granota,
De leur existence de corco ?

C’est un carcan pour eux que la granota
mais le goût de bien faire leur treball
est inscrit dans leurs veines de corco
ils sont venus de loin pour ce treball
les mots de là-bas tournent dans leur tête et jeter aux orties sa granota

ce serait renoncer au treball
être exclu de la tribu très belle des corcos
alors on préfère garder sa granota
et trier, malaxer, tanner, lessiver, bonne petite corco
au service de la reine treball

Coraline Soulier




(redonde avec partenaire, mots empruntés au bruxellois : zwanze : humour corrosif ; zot : fou ; gedacht : pensée)

Un jour, dans la rue, j’ai rencontré un zot
qui n’avait à la bouche, ou presque, que zwanze
il allait nu, blanc de farine, et gedacht
qui prenait très bien sa source dans le zwanze
les contraires s’allient : le futé, le zot.

Ce sont des fusées vives, les mots du zwanze
avec pointes et piques dans la gedacht
qui font que j’aime qu’on me traite de zot
tant je redoute la banale gedacht
reniant le surréel, le non-sens, le zwanze.

Si tu veux rafraîchir un peu la gedacht
donne-lui quelques atomes pris au zot
qui fauche le trop de raison par le zwanze
tu seras décoré de l’ordre du zot
et l’on entendra mieux, enfin, ta gedacht.

Jacques Jouet


Telle une cheffe d’orchestre devant sa partition fleurie de plastic
la blanchisseuse est suspendue par l’instantané
au milieu d’un moderato cantabile.
La musique règle la chorégraphie des souples ouvrières,
dans leurs mains les chemises se déploient comme les sept voiles de Salomé.
Les parfums se bousculent,
notes trompettantes et tambourinantes d’un nouveau sacre du printemps.
Vous avez vu les grands sacs de toile suspendus au plafond bas ?
Un jour ils s’ouvriront,
déverseront des vapeurs irisées de Méditerranée
et de chaudes lueurs vibrantes
et les blanchisseuses, devenues naïades,
riront de bonheur.




Contrainte : inclure 3 mots d'une langue étrangère, ici de l'estonien, dans un texte parlant de l'expo.
Je reçois KARTUL : pomme de terre
KALIS : chéri(e)
NIRK : belette


Le dernier cultivateur de kartul à Bruxelles c'était lui
Elle, dans son atelier, assemblait des fausses toques de vison en nirk
Au bal du 1er mai ils s'étaient rencontrés, tout de suite ils s'étaient plu
Il avait sussuré : kalis,
Elle avait répondu : kalis,
Comme ils étaient romantiques !
Il l'appelait «  ma petite nirk »
N'était-ce pas attendrissant ?
Elle ne savait pas comment dire mon petit chou en estonien
Aussi se fendit-elle d'un amoureux «  kartul ».
Chacun sait que les kartul bien cuites
Ont le coeur tendre comme une nirk
Rencontrant un blaireau cynique
Qui va lui raconter des salades,
Salades de kartul, comme il se doit.
Pour son kalis tous les jours
Kalis prépara de la nirk.
Mais quand il la trompa
C'est dans la purée de kartul
Qu'elle mit le poison.
Ainsi finissaient les histoires d'amour dans le Bruxelles industrieux...

Cécile Schouten


Redonde avec partenaire linguistique (néerlandais)
Tong = langue gef = fou park = parc

Envers et contre tout, il se rend au park.
Observant les statues, il claque de la tong.
Qu’Edmond ait été décapité, c’est gek.
Il a froid et s’en veut de porter des tong.
Witamer l’attire à la sortie du park.

Devant ces gâteaux, il salive de la tong.
Trente euros les macarons ! Seraient-ils gek ?
Il regrette déjà son départ du park.
Tant pis pour le prix, l’odeur le rend gek.
Les boulangeries sont moins chères à ma tong

Et il aurait dû y rester, pauvre gek !
Pourquoi toujours être attiré par ce park ?
L’autre côté, c’est les richards, l’autre tong.
Il prend son gâteau et le déguste au park.
Ce soir, il dort sur le trottoir, pauvre gek !

Laurence Magnée
Avec les mots népalais donnés par Madeleine :
Tashidelek (merci),
Bodeyna (je ne parle pas),
Namasté (je salue le dieu qui est en toi)

Poème 1

Bruxelles Saint Géry Plage bodeyna
Horloge tripot postal tashidelek
Défense de feuler namasté

Tahiti Industrie bruxellisé namasté
Douche froide mécanique bodeyna
Danger d’explosion tashidelek

Bruxelles circuit haussmanien tashidelek
Instantané à feu nu namasté
Défense de meuler bodeyna

Michèle Minne

Poème 2

Gesticuler namasté
Vapeur charbon tashidelek
Écoute s’il pleut bodeyna

Écoute s’il neige bodeyna
Sueur santé namasté
Recycler tashidelek
 Récupérer tashidelek
Moteur-ronron bodeyna
Écoute s’il vente namasté

Michèle Minne

Avec les mots anglais :
soap
punk
bastard

A Manchester,
je pointe à l’aube,
je cours,je tourne,j’attends
l’heure de la soap,

À Manchester,
le soir,
après le turbin,
avec les copains,
on s'boit des bières,
on s'lâche, on est punk.

À Manchester,
c’est dur,c’est rude,
on n’est pas en costard,
nous, on est les bastards

ÀManchester,
on vient de nulle part,
on est bastard,
à deux pieds dans la soap,
c’est pour ça qu'le soir
on est punk.

À Manchester,
où qu'tu sortes le soir,
t’es punk

À Manchester,où qu'tu rentres,
t’es bastard

À Manchester,où que tu restes,
c’est pour la soap.

Mar Bikx


    Avec les mots néerlandais :
    deur (porte)
    rijden (rouler)
    handschoenen (gants)

      Il faut que je quitte mon nid, mon ange. RIJDEN
  De l’usine, je passe la porte DEUR
  J’enfile mes gants HANDSCHOENEN

  Je ne suis plus moi-même
  La roue m’emporte
  Il faut tenir

  Je dois être efficace,
  Je dois être solide,
  Je dois être précis.

  J’apporte le pain ce soir
payé de ma sueur,
payé de ma souffrance.

  La roue m’emporte
 mais je donne le meilleur.
  J’ai confiance, je tiens.

  Je suis fier
  de mes forces.
  Avec mes camarades.
  sommes fameux gaillards.

  Me défends de certains
  et de leurs mauvais coups.
  Je lutte et me concentre.

  Nourrir ma famille.
  Mon fils plus tard
  ne travaillera pas ici.

  Dans ma tête, je rêve
  Mais
  la roue m’emporte.

  Je tiens
  derrière ces murs
  je donne le meilleur.

Madeleine Hanjoul
    Avec les mots néerlandais donnés par Élisabeth :
    boterham (tartine),
stuk (morceau),
brusseleir (bruxellois)

Nous entrons dans une zone de travail
Vite, vite planquez vos boterham(s)
Le corps seul, mes frères, puise ses forces au fond de l’âme.

Défense de fumer, même un stuk
Défense de dévoiler sa nuque
Vite, vite, attachez votre tuque !
(expression québécoise : prendre ses précautions)

Col bleu, col blanc, amis brusseleirs
Vite, vite c’est l’heure de se pointer, mes frères
Priez pour nous Sainte-Machine, Sainte-Bière.

Anne Jaucot


Avec les mots néerlandais donnés par Mar :
de duivel (le diable),
een boel (un travail),
vandaag (aujourd’hui)

Un travail pour manger ce soir, den duivel
Un travail pour gagner quelques sous, den duivel
Un travail pour soigner mes blessures, den duivel
Un travail pour oublier

Mon travail pour soulager tes maux, een boel
Mon travail pour rencontrer mes amis, een boel
Mon travail pour partager nos idées, een boel
Mon travail pour participer

Notre travail pour inventer un futur, vandaag
Notre travail pour évoluer toujours, vandaag
Notre travail pour s’amuser aussi, vandaag
Notre travail pour exister enfin

Ou peut-être demain.

Élisabeth Biront

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