dimanche 7 avril 2013

Promenade



Écrire un poème de promenade, captation dans la peau d'un personnage qu'on a choisi. En vers libres. Sans contrainte de temps. Litanie commençant par le nom du personnage. Son regard à lui. La répétition installe son hyper présence. 

François d’Assise observe que le restaurant argentin de la rue du Marteau doit marcher du feu de dieu
François d’Assise se demande où sont les oiseaux
François d’Assise voit sur la glace patiner ses sœurs les mouettes
François d’Assise a le cœur qui se fend devant un pentagone à six côtés
François d’Assise y voit son cœur
François d’Assise prétend que le pentagone en forme de tête de chien est aussi en celle d’un cœur de chien
François d’Assise voudrait qu’il n’y ait pas qu’un grattoir, mais aussi un heurtoir au pied des bâtiments de Horta ou autres
François d’Assise est favorable au mariage des satyres et des mamans folles
François d’Assise est, sur toutes les peintures de Saint-Cyr, le peintre sans peintures
François d’Assise se sent désagréablement éclaboussé par l’Inquisition
François d’Assise ébranle l’assise du Mannekenpis
François d’Assise ne perd pas une ligne des journaux du prince de Ligne
François d’Assise nourrit les perruches d’Arthur Conan Doyle
François d’Assise entre pieds nus dans l’antre de la connaissance
François d’Assise caresse le chien-loup
François d’Assise marie Raymond-la-Science et François-la-Colère
François d’Assise caresse du pied le rouge, le noir, la liberté
François d’Assise plaque la main sur sa bouche, il a crié : « Vive l’anarcho-communisme ! »

Jacques Jouet

É. Chamontin

La promenade du pape François
Le pape François s’est perdu dans la ville
Le pape François aime les pauvres et les vils
Le pape François pérégrine, attendri.
Le pape François aux canards compatit
Le pape François salue le képi
Le pape François, la couleur surgit
Le pape François, et voici les bandits
Le pape François, les bombes et les cris !
Le pape François, effaré, se signe
Le pape François effrayé s’enfuit.
Ariane Ramaekers

Bonnie bonne mie, dans Bruxelles Babel si belle
Bonnie bonne mie, je talonne ton rêve rebelle
Bonnie bonne mie, les bourgeois aux banques se collent
Bonnie bonne mie, la propriété reste le vol

Bonnie bonne mie, qu’est devenue l’anarchie ?
Bonnie Parker c’est clair, elle change de caractère
Bonnie ton affaire, échappe à l’oubli ou presque
Bonnie bonne mie, au magasin pittoresque

Bonnie le décrottoir à ton pied est un mouchoir
Bonnie le trottoir pour ton rêve est un mouroir
Bonnie t’es morte pour rien, Victor Serge tout aussi bien
Bonnie quelle triste fin, Izozoël serait saint

Bonnie bonne mie, dans Bruxelles Babel rebelle
Bonnie bonne mie, je rêve à ton rêve ma belle

Rina Horowitz


Le magasin pittoresque

Jeanne bouillonne à l’appel de ses voix
Jeanne s’en va libérer la ville en forme de cœur devenue gueule de chien
Jeanne cherche tous ceux qui font l’amour sacré de la patrie
Jeanne rassemble ses troupes pour remballer l’inquisiteur
Jeanne danse au bord du Vésuve
Jeanne électron libre fait brûler la neige sur les étangs gelés
Jeanne s’en fout des échafaudages et de tous les échafauds qui guettent la bande à Bonnot
Jeanne appelle le satyre le vieil homme au balcon et ses fleurs en plastique
Jeanne ouvre les portes des prisons, libère Izozoël , les marins de Kronstadt et les voleurs de pisseurs enfermés à perpèt
Jeanne racole l’ermite de la chaussée d’Antin, le menuisier des pompes funèbres,
Jeanne emporte la fille aux castagnettes qui dormait dans la villa Germaine
Jeanne casse les volets fermés des maisons à louer et remballe les chiens des bourgeois proprio
Jeanne cueille les feuilles d’un palmier et bande son arc
Jeanne saute sur un cheval en croquant les bourgeons de Bruxelles rebelle

Marianne Prévost

É. Chamontin

Wednesday 13 évite le givre, bien que l'étant. 
Wednesday 13 marche sur des pavés irréguliers enserrés par du moisi.
Wednesday 13 arrive sur un parc ovale où une nymphe virginale le nargue.
Wednesday 13 est aussi désolé que les branches tordues des arbres, malgré les bourgeons.
Wednesday 13 ricane devant la statue moussue d'un couple agenouillé tenant leur enfant mort de la grippe espagnole.
Wednesday 13 se sent attiré comme le garou par les grottes noirs bordant l'étang gelé.
Wednesday 13 voit une tâche sur l'asphalte en forme de chauve sourit, ce qu'il n'est pas.
Wednesday 13 a un cœur de bétonnière. 
Wednesday 13 aimerait être le satyre en bronze lutiné par la sœur de la nymphe précédente.
Wednesday 13 flanquerait une bonne rouste à l'enfant qui veut empêcher ces batifolages.
Wednesday 13 tague en route et en rouge ta verge gratte.
Wednesday 13 a les jambes véloces. 
Wednesday 13 est la soif du canasson que l'homme voudrait désaltérer à l'étang asséché. 
Wednesday 13 pose fier altier devant la cascade gelée. 
Wednesday 13 est un anarchiste à paillettes.
Wednesday 13 trace des pentacles renversés contrairement à la forme de Bruxelles. 
Wednesday 13 bave un peu. 
Wednesday 13 allonge l'allure qu'il a sinistre.
Wednesday 13 déguste de gracieuses moules au restaurant.
Wednesday 13 dit comme Horta y a du métal, je mets du métal. 
Wednesday 13, n'étant pas patient, accélère.
Wednesday 13 dénonce le goulag comme Victor Serge mais trop tard.
Wednesday 13 trouve que c'est la crasse, la bourgeoise. 
Wednesday 13 a l'âme intensément crapuleuse. 
Wednesday 13 apprécie qu'on assèche un étang pour en faire une place sous laquelle on construit un autre écran. 
Wednesday 13 s'inquiète de la longue portée de béton sans voûte, comment tient-elle ?
Wednesday 13 est rétif à la connerie, bien que l'étant. 
Wednesday 13 avance à grandes enjambées. 
Wednesday 13 étant ce qu'il est te mangera un jour...
Wednesday 13 joue dans un band de louf.
Wednesday 13 regarde les bus passer, Waterloo.
Wednesday 13, n'ayant pas le sens du ridicule, aboie comme un berger allemand rétif.
Wednesday 13 installe un décrottoir à sa porte 7 rue de l'inquisition. 
Wednesday 13 te guette en haut de l'escalier avant de t'arracher la gorge.
Wednesday 13 a fait du trafic de bons du trésor rue d'Oberkampf et ça tourne vinaigre balsamique.
Wednesday 13 isolé et désolé surtout du pied droit, - et ça, c'est normal.
Wednesday 13 se gèle le cul sur la chaise de Bonnot.
Wednesday 13 respire une abondante odeur nauséabonde si tu vois ce que je voudrais dire.
Wednesday 13 a les gros orteils congelés, bien qu’il ne le soit pas. 
Wednesday 13 s'autoprogramme pour bientôt tout donner, il voudrait pas finir tel un satyre frigide.
Wednesday 13 devient brume bien que ne l'étant pas.
Camille Philibert


Édith Piaf chante les flocons.
Édith Piaf pense à Marcel et à la danseuse aux castagnettes.
Édith Piaf ramasserait quelques sous dessous l’oriel dodu de la riche maison.
Édith Piaf pleure à l’accordéon la mort de Raymond la Science.
Édith Piaf a froid, si froid.
Édith Piaf a le nez gelé, les pieds gelés, le bout des seins gelés.
Édith Piaf a froid, si froid.
Édith Piaf rêve, s’évade, n’est plus là, n’est plus ici.
Édith Piaf fume sur le trottoir, en chantant François Béranger pour les badauds qui lui lancent une piécette.
Édith Piaf a faim. Froid.
Édith Piaf connaît ça par cœur.
Édith Piaf chante. Pleure. Et fume.
Mar Bikx

Jai choisi le personnage de fiction Mma Ramotswe des romans d’Alexander McCall Smith qui se déroulent au Botswana.
Mma Ramotswe découvre Bruxelles
Mma Ramotswe, elle vient du Botswana
Mma Ramotswe n’avait jamais vu l’Europe, n’avait jamais connu la neige
Mma Ramotswe marche dans le froid qui l’assaille
Mma Ramotswe, dans les rues de Saint-Josse-ten-Noode, est très loin de Gabarone
Mma Ramotswe se demande comment elle pourrait mener ses enquêtes dans ces maisons hautes, étroites et collées les unes aux autres
Mma Ramotswe les trouve belles ces maisons, mais froides
Mma Ramotswe croit reconnaître les pique-bœufs sur la glace de l’étang gelé
Mma Ramotswe admire la statue du cheval qui boit l’eau
Mma Ramotswe se demande où sont les autres animaux, les vrais
Mma Ramotswe est un peu choquée par cette statue d’humain aux pieds de chèvre
Mma Ramotswe pense que ce n’est pas correct de montrer ça aux enfants
Mma Ramotswe se dépêche d’avancer pour échapper au vent piquant
Mma Ramotswe est contente d’arriver à la maison qui l’accueille, 7 rue de l’Inquisition
Mma Ramotswe a toujours aimé les magasins pittoresques mais préfère ceux qui vendent des chaussures confortables parce que ses pieds la font souffrir
Mma Ramotswe, qui est corpulence « traditionnelle », se faufile avec difficulté dans le labyrinthe de Jean-Pierre
Mma Ramotswe se demande pourquoi conserver tant de papier mais se délecte de tous les indices qu’elle y découvre
Mma Ramotswe aime apprendre ces choses un peu curieuses sur ce pays bien plus petit que le Botswana
Mma Ramotswe se demande qui est cette Monique Philar dont on parle
Mma Ramotswe s’étonne qu’on puisse choisir son roi mais admet que les coutumes d’autres tribus soient différentes de celles qu’elle connaît
Mma Ramotswe trouve Jean-Pierre sympathique et aimerait l’accompagner au marché dont il parle car elle aime aller au marché
Mma Ramotswe, ça lui manque le ciel clair et immense du Botswana, sous la cloche pesante des nuages de Belgique
Suzanne Fuks



Personnage élu

Raymond Queneau je marche et ne cours pas les rues
Queneau tu as ravivé l’Amphionie qui comme chacun sait est ton parcours, Amphion à travers la ville
Raymond, une antiopée 25 siècles plus tard
RQ le Prince de Ligne est sur la bande postale
Q Le Vrai Libéral
Queneau Raymond le courrier des lecteurs court les rues
R les gazettes sont dans des meubles de dentiste
QR le fantôme de l’Opéra avait un crâne
Oh Raymond ! l’Église syriaque honore Saint Izozoël !
Oh Queneau , Hubert Krains, chantre de la Hesbaye a vécu ici
Oh Raymond Queneau le mot Hesbaye se trouve-t-il dans l’Encyclopédie de la Pléiade (49 volumes)
Oh Queneau Raymond nous croisons la rue Louis Scutenairestraat, qui donne (quoi ?) dans la rue Marcel Mariënstraat
Oh R qui vous dédicaça Quand l’acier fut rompu, avec un plagiat filial de votre style
Ah Queneau un cadeau rimé Un cheval vaut
Des chevaux valent
À Q saviez-vous que la Bande à Bonnot était végétarienne ?
A Q : c’est quoi le 6 avril ? c’est le premier Pâques sur l’Ile de Pâques
Raymond Queneau : dans mon agenda « relire Courir les rues » 

Jean-Michel Pochet



Le magasin pittoresque

Poème promenade


Renard le goupil, s’est faufilé dans un groupe d’humains partis élucider les mystères du passé, ce jour-là.

Renard le goupil a repéré la banque chinoise du coin de la rue. Chouette s’est-il dit, un beau coup à tenter.

Renard le goupil a, plus loin, batifolé dans la neige. Il a marqué de ses pattes le chemin d’art nouveau : un bow window par-ci, un puits de lumière par là, un bout de fer par-ci, un coup de fouet par-là.

Renard le goupil, fasciné par le cheval de Meunier, a soupiré d’aise, devant le mouvement du piédestal-abreuvoir et du cavalier perché sur sa noble bête.

Renard le goupil a poursuivi, pressé d’atteindre l’antre de l’archiviste de la rue de l’Inquisition. En passant, il a croqué quelques bébés dodus eurocrates de la crèche de la rue Palmerston.

Renard le goupil est arrivé le premier, rue de l’inquisition. Un chien-loup lui a fait peur,” il est gentil, il ne mord pas”, lui a-t-on dit. Il est entré. Hélas ! Point d’odeur enivrante d’encres ou de vieux papiers.

Renard le goupil, enfin assis, a tenté de comprendre l’histoire des humains de XIXe siècle, la ligne des princes, les fanfares anarchistes, les faits-divers oranges, les bandes et les contrebandes, les disques en cire à une ou deux faces.

Renard toujours goupil est devenu un temps, membre de la bande à Bono, mais bien vite,

Renard le goupil, a choisi de rester neutre. Il avait à faire en sortant - la banque - et ne tenait pas à se retrouver prisonnier de l’histoire.


Michelle Poznantek



É. Chamontin

Poème de promenade
Blanche-Neige s’est promenée tandis que son homonyme multiplié tombait sur sa chevelure noire de jais.
Blanche-Neige tenait troussée sa jupe jaune pour ne pas la tacher.
Blanche-Neige fut choquée de voir une femme nue trôner au bord d’un lac gelé.
Blanche-Neige est heureuse.
Blanche-Neige marche.
Blanche-Neige pense mais.
Blanche-Neige est interpellée par un talus tout encrassé de déchets ménagers.
Blanche-Neige dit Prof.
Blanche-Neige dit Joyeux.
Blanche-Neige dit Simplet.
Blanche-Neige dit Et les autres, venez !
Blanche-Neige emprunte un chemin glissant non sans retenue mais mue par sa célèbre volonté de nettoyer.
Blanche-Neige glisse.
Blanche-Neige, quel malheur !
Blanche-Neige, tes nains ne sont pas là pour t’aider.
Blanche-Neige, tu es si sale.
Blanche-Neige, tu es si laide quand tu pleures.
Blanche-Neige, redresse-toi, un cavalier aux bras inégaux te regarde de haut.
Blanche-Neige, est-ce lui ?
Blanche-Neige, dis-nous. Que te dicte ton ventre ?
Blanche-Neige, est-ce lui ?
Blanche-Neige, tu t’empourpres !
Blanche-Neige, tu joues des castagnettes et ton prince, de sa main gauche, repousse Prof, enfin arrivé.
Blanche-Neige, tu dessines un pénis sur la porte d’une maison ?
Blanche-Neige écrit Pute sur un appui de fenêtre !
Blanche-Neige, que t’a-t-il fait cet homme ?
Blanche-Neige, tu dis ? Il a volé Manneken-Pis ?
Blanche-Neige, combien lui a proposé le collectionneur pour cette pièce unique ?
Blanche-Neige dit il a dit J’achète. 
 
Laurence Magnée

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